110 milles nautiques environ séparent Ua Huka de Fatu Hiva.
Lorsque l’année dernière, nous avions atteint les Marquises du sud nous avions été tentés de nous arrêter sur cette île légendaire. Malheureusement, et c’est un grand malheur il n’y a pas de gendarmerie à Fatu Hiva. On ne peut donc pas y faire les formalités habituelles d’entrée en Polynésie Francaise.
Nous nous étions promis d’y revenir... Cap au 145° avec un ris dans la Grand voile nous marchons tranquillement à 7 noeuds de moyenne et comme nous partons de Ua Huka à 25 milles à l’Est de Nuku Hiva nous ferons la route sur un seul bord.
La vie rêvée. Nous aurons tous de même à subir une légère dévente sous le vent d’ Hiva Oa, et un renforcement du vent en face du passage du bordelais entre hiva Oa et l’île de Tahuata.
C’est l’occasion de quelques manœuvres qui évitent de s’endormir. Après un lever de soleil somptueux en approche de Fatu Hiva dont les sommets accrochent les nuages, le vent nous lâche et nous finissons au moteur dans la dévente de ces reliefs impressionnants.
Et là nous découvrons le mythe: la baie des vierges.
Faut-il encore raconter, qu’impressionnés par les pics rocheux façonnés par l’érosion, dressés vers le ciel, les marins baptisèrent cet endroit, la baies des verges. Ce qui paraît-il choqua les pères missionnaires qui rajoutèrent un i croyant sans doute calmer ainsi les ardeurs de nos marins .
Pour les marquisiens c’est la baie d’Hanavave. Le mouillage est étroit . On trouve des fonds de 10 mètres de bonne tenue . Si on s’approche, les fonds remontent vite et la houle soulève une vague qui vient déferler sur la belle plage de galets .
A peine arrivés nous avons la visite de l’équipage d’un bateau voisin . un couple d’américains avec le skipper du bateau. ils sont jeunes environ la trentaine . On discute comme on peut autour d’une bière. Ils travaillent dans le Colorado et partent à l’aventure dès qu’ils ont un peu d’argent . Nous nous croiseront de nouveau au cours de notre découverte des marquises .
Un bateau local, s’approche, un homme avec son petit garçon d’environ 4 ans, nous fait de grands signes. Ils montent à bord. Notre nouvel ami s’appelle Poï. Il propose de servir de guide aux bateau de passage. Il est curieux comme son fils, et ravi de visiter le bateau, manifestement impressionné par le confort dans lequel nous vivons. Il nous propose de nous emmener en excursion le lendemain, et nous acceptons volontiers .
Pour l’instant nous débarquons pour découvrir le village d’Hanavave. Un quai été construit au nord de la baie, protégé par une digue qui facilite le débarquement en annexe. A peine débarqués on nous propose des fruits: pamplemousses, noix de coco, mangues, bananes . Un dénommé Christian nous emmène chez lui, cueille les fruits qu’il veut nous donner. Il nous montre son travail de sculpture sur bois . Quand nous lui proposons un peu d’argent, il nous demande si nous avons à bord des bouts c’est à dire des cordages que nous pourrions lui donner . Le lendemain je lui apporte un petit assortiment qui semble lui faire grand plaisir. Est-ce pour amarrer son bateau, car il est aussi pécheur ou, pour attacher son cheval ? nous ne le saurons pas, mais qu’importe.
La route qui traverse le village, et remonte vers le fond de la vallée est magnifique au pied de ces reliefs impressionnants, surtout quand on se dit que l’érosion n’a pas fini son travail . Nous remontons jusqu’à une cascade, par un chemin un peu escarpé, où des câbles ont parfois été aménagés pour éviter les chutes . C’est une très belles ballade qui surplombe la rivière. On devine là aussi, comme souvent au fond des vallées, les traces d’anciennes habitations dont il reste les fondations sous forme d’alignements d’énormes blocs de pierres volcaniques.
La végétation luxuriante a repris ses droits . En redescendant, nous passons par une cocoteraie et nous entendons la voix de Poï avec sa femme Hina et leur fils. Le terrain leur appartient et il l’entretiennent pour l’exploitation du coprah. Ce qui ne les empêche pas de soigner aussi les arbres fruitiers. Il nous font visiter leur domaine et nous proposent des fruits qu’ils nous apporteront avec leur voiture jusqu’au port.
Nous regagnons notre bateau. Les enfants se baignent inlassablement dans le port à l’abri du ressac, l’eau est limpide. Le soleil qui commence à décliner à l’horizon accentue le contraste des couleurs de la végétation verdoyante, des falaises ocres et du bleu profond du pacifique.
On sent l’urgence d’une photo, l’envie de peindre ( pour Flo) ou seulement de rester là à regarder tout ému ce spectacle inoubliable: un coucher de soleil sur la baie des vierges.
Le lendemain Poï nous attend sur le quai, avec son fils qui commence à s’habituer à nous . Nous prenons place dans son énorme pick up rouge.
En route pour Omoa, le village le plus au sud de Fatu Hiva .
Après avoir traversé le village, la route monte en lacets resserrés. Notre chauffeur s’arrête soudain devant une petite alcôve nichée dans la falaise ou une sainte vierge veille sur la vallée. Il fait sa prière, nous aussi, je resserre discrètement ma ceinture.
La route est franchement vertigineuse, et continue de monter, pour atteindre un plateau à 400 m d’altitude. La vue plongeante sur la baie des vierges est magnifique. Le plateau est verdoyant. Poï nous explique les arbres que nous voyons, leur période de floraison, la qualité de leur bois pour la sculpture. J’apprends avec intérêt que l’Hinano avant d’être l’emblème d’une excellente bière est la fleur du pandanus tandis que sa feuille sert à fabriquer des chapeaux ou des paniers.
La route n’est plus bétonnée et devient plus chaotique ce qui n’a pas l’air de perturber notre chauffeur. La vue sur les hauteurs de Fatu Hiva est magnifique sans aucune trace de présence humaine. Le mont Tekou, a 1114 m d’altitude accroche les nuages. Nous redescendons vers Omoa, après un arrêt pour cueillir des mangues.
A notre demande Poï nous conduit chez une fabriquante de tapas. Rien à voir avec les amuse gueule espagnols que nous aimons tant.
Le Tapa est une étoffe végétale obtenue à partir d’écorces battues sur un bois dur, puis décorées ensuite de motifs géométriques ou de représentation de tikis . On utilise selon la couleur souhaitée l’écorce du Uru, l’arbre à pain, ou l’écorce de banian, de manguier., de cocotier....
L’accueil est comme toujours excellent et nous repartons avec du miel et des bananes .
Nous déjeunons au « snack « non loin du front de mer et d’un terre plein en construction en prévision du festival des Marquises que Fatu Hiva accueille dans deux ans : artisanat, danse, musique .
L’épouse de Poï, qui travaille comme aide soignante à Omoa nous rejoint. Avant de prendre la route du retour Poï fait quelques courses pour des amis, de l’essence pour l’un, une caisse de bière pour l’autre etc. Hina et Poi nous racontent leur vie, leur projet, l’histoire et l’évolution de leur pays.
Partagés qu’ils sont entre le désir de développer de nouvelles activités afin de pouvoir rester sur leur île ainsi que leurs enfants et le souci de garder intact cet endroit merveilleux . Décidément nous aimons les Marquises et les Marquisiens.
Nous garderons le souvenir de cette baie où chaque matin nous avions la visite des dauphins. Peut être était ce pour eux aussi l’heure du petit déjeuner. Mais pour les plus jeunes sans doute c’était l’heure des jeux, des cabrioles, des sauts tournoyants hors de l’eau et pour le plus joueur d’entre eux de jongler avec une mangue qui flottait dans l’eau.
Il faut pourtant quitter Fatu Hiva .