Depuis notre arrivée à la baie des Vierges un bateau est venu mouiller devant nous. Comme il fallait s’en douter au moment de partir, nous remontons sa chaîne avec notre ancre . La manœuvre est un peu chaude. Florence à la barre et au moteur évite le contact avec son sang froid habituel. Tandis qu’avec l’aide d’un voisin qui propose gentiment son aide avec son annexe, je dégage notre ancre, sous les conseils de l’équipage d’un troisième bateau .
Moralité dans la vie il y a trois catégories d’individus : ceux qui t’attirent des ennuis, ceux qui donnent des conseils mais ne font rien, et ceux qui viennent te donner un coup de main sans rien dire. Nous avons une légère préférence pour cette dernière catégorie heureusement assez fréquente. Merci l’ami .
Nous nous en sortons sans dommage.
Cap sur Hiva Oa au 317° .
Dès que nous avons dépassé la pointe nord de Fatu Hiva le vent s’établit et nous marchons à 7 - 8 noeuds avec 2 ris dans la Grand voile . Partis à 8 h du matin nous arrivons à hiva Oa à 15 h. C’est une route que nous avons déjà suivie l’année dernière lors de notre arrivée aux Marquises après 18 jours de mer depuis les Galapagos .
Nous passons entre les îles de Mohotani et Tahuata pour atteindre la baie des traitres et le mouillage d’ Atuona dans l’anse de Tahauku.
Le faible tirant d’eau de notre cata nous permet de mouiller au fond de la baie, bien abritée. Nous utilisons un mouillage arrière pour limiter le rayon d’évitage .
Nous reconnaissons les lieux et cette fois nous sommes bien décidés à visiter tranquillement Hiva Oa .
Nous sortons les vélos électriques de leur soute et les portons à quai . Nous aurons ainsi une meilleure autonomie.
L’anse de Tahauku abrite, outre les plaisanciers quelques bateaux de pêche et le bateau de liaison avec Tahuata . Sur la rive Est un grand quai accueille les goélettes, c’est à dire les bateaux qui ravitaillent les îles . Un chantier naval offre de bons services aux plaisanciers . Il y a une station essence avec un petit supermarché où l’on trouve presque tout .
Atuona se trouve à environ une demie heure de marche, par une route qui contourne le fond de la baie, et d’où la vue est splendide.
Nous retrouvons la petite route qui monte au cimetière de jacques Brel et Paul Gauguin, que nous avions visité l’année dernière.
Cette fois nous choisissons de visiter le musée qui leur est consacré. L’évocation de la vie de Paul Gauguin à travers une exposition de reproductions d’assez bonne qualité est très intéressante et se prolonge par la visite de la « maison du jouir « qui a été reconstituée à son emplacement initial. Nous poursuivons sans transition par la découverte du hangar consacré à Jacques Brel, que nous ouvre gentiment la maîtresse des lieux en nous laissant la clé.
Au milieu se trouve son avion Jojo, avec lequel il a rendu tant de services aux Marquisiens . Puis tout autour, des panneaux évoquent ses chansons et les principaux épisodes de sa vie, notamment son arrivée à Hiva Oa sur son voilier avec son épouse et sa fille .
Une bande sonore se déclenche mystérieusement et Jacques Brel se met à chanter ....
Atuona
Remis de nos émotions, nous décidons de poursuivre en vélo, jusqu’au village de Taaoa au fond de la baie des traîtres.
La route longe la côte, et prend un peu de hauteur avec une belle vue sur le motu Anakee, un rocher de 70 m de hauteur .
La route est superbe. Que le regard se porte sur la végétation et les reliefs où vers l’océan, le spectacle est grandiose et nous émeut .
Nous descendons vers le village de Taaoa. Les maisons sont toujours bien entretenues ainsi que les jardins . Les fruits en tout genre abondent et les animaux, chèvres, chevaux, vaches, cochons, poules, se balladent librement. Les haies sont fleuries et dégagent une odeur de tiare.
A l’extrémité du village, sur le front de mer nous découvrons une petite église qui regarde l’océan. Les enfants de la maison voisine, jouent tranquillement sous le regard des chiens errants et de leur grand mère qui vient discuter avec nous. En contre-bas un terrain de foot, plus bas encore un petit remblai et une plage de galets. La houle vient briser là, écumant dans le soleil couchant.
Jacques Brel se remet à chanter . Il est tard, Il faut rentrer .
village de Taaoa
Le lendemain nous avons la prétention de rejoindre en vélo le village de Puamau et la baie du même nom au nord de l’île. Nous emmenons le pique nique . La route longe la côte sud sur quelques kilomètres puis se dirige vers l’intérieur de l’île en montant jusqu’à un plateau où a été construit l’aéroport. Nous poursuivons vers le col Tapeata . Nous sommes à 500 m d’altitude. Nous voyons l’océan de chaque côté de l’île au sud vers Mohotani et au nord vers Fatu huku. La route est déserte. Silence total . La forêt de calfatas au feuillage de dentelle s’étend jusqu’à l’océan. C’est le domaine des oiseaux, des chèvres et des chevaux sauvages . Nous déjeunons comme des rois au bord d’un petit chemin sur un tronc d’arbre à l’ombre d’un manguier.
Pour atteindre Puamau il faut encore parcourir quelques kilomètres pour franchir le col Tapeata à 831 m d’altitude et descendre jusqu’à la côte nord de l’île.
Nos batteries sont elles anormalement déchargées?
Avons-nous sous estimé la distance et l’altitude?
Ou sommes nous tout simplement devenus vieux ou raisonnables ?
Nous décidons de rentrer après une petite et charmante ballade à pied sur un chemin ombragé. La descente sur Atuona se fait sans effort. Juste avant l’arrivée nous trouvons un petit hôtel qui domine la baie avec une vue magnifique . Une formule astucieuse propose aux plaisanciers le déjeuner, l’accès à la piscine et à la wifi.
Avant de regagner notre bateau nous nous arrêtons chez le loueur de voitures, bien décidés à nous rendre le lendemain à Puamau.
vues sur la baie des traitres d'Atuona et motu Anahake
Après une bonne nuit de repos nous reprenons la route en voiture cette fois. Au delà de l’endroit où nous nous sommes arrêtés la veille la route n’est plus qu’un chemin caillouteux.
Avec l’altitude le paysage devient réellement grandiose. Après avoir franchi le col, la route descend vers Motuua, un petit village de la côte nord, après quoi il faut encore parcourir quelques kilomètres d’un chemin mal pavé, mais superbe, qui longe la côte.
Quelques baies plus loin, on découvre enfin Puamau. C’est une anse magnifique, exposée au nord est, battue par les vents et la houle qui vient déferler sur une grande plage de galets volcaniques. Un môle construit sur la partie Est permet l’accostage acrobatique de petites embarcations.
On imagine l’isolement des habitants de ce village, qui heureusement savent vivre des ressources d’une nature généreuse mais exigeante.
Nous allons déjeuner à la pension de Marie Antoinette située dans le village un peu en hauteur . L’endroit ne paie pas de mine, mais le déjeuner est délicieux. On nous sert un jus de carambole bien frais, du poisson cru, du porc à la chinoise, et un délicieux ragoût au lait de coco . Franchement ce ragoût est exceptionnel. Nous félicitons Marie Antoinette et lui demandons de quelle viande il s’agit. Je vois Florence s’assombrir à la réponse de notre hôte: c’est de la chèvre.
Je me ressers sans scrupule. La chasse est le sport favori du Marquisien. C’est d’ailleurs un sport dangereux tant les chèvres sont agiles et la montagne abrupte .
Village de Paumau
Nous allons visiter en haut du village un des plus beaux marae des Marquises, le marae ou ( mé’ae en marquisien) Lipona ;
Il est situé au pied d’un piton rocheux le pic Toea que contourne le torrent Ahonu (lieu sacré de la tortue )
On y trouve les plus grands Tiki de Polynésie après ceux de l’île de Pâques .
C’était le domaine des Naiki avant qu’ils ne soient vaincus et chassés de l’île par des tribus voisines dont ils avaient imprudemment capturé et sacrifié un chef guerrier.
Le marae est organisé en deux terrasses principales. La plus haute était réservée aux sépultures et aux cérémonies sacrificielles, et la plus basse à la résidence des prêtres, et aux activités courantes.
C’était un lieu tapu et le reste encore aujourd’hui pour nombre de marquisiens . Sur une des plates formes faites d’un pavage de roches basaltiques et de galets apportés du rivage, se dresse le Tiki Takaii sculpté dans un tuf volcanique extrait d’une carrière voisine.
Les Tiki représentent souvent un valeureux guerrier, ancêtre déifié au fil des générations. On trouve aussi des vestiges d’un Tiki détruit, vraisemblablement une représentation d’un Naiki abattue lors de leur défaite.
On trouve encore un tiki couché représentant pour certains une femme venant d’accoucher et son enfant.
Un tiki assis, probable représentation d’une femme au travail.
La tradition orale est une limite à la transmission de cette culture polynésienne pourtant très riche .
Peut être faut il simplement se laisser émouvoir par la beauté de cet art, dans un cadre naturellement envoutant et mystérieux .
Me'ae Lipona
Le lendemain, nous avons gardé la voiture pour aller visiter le village d’ Hanaïapa.
Nous reprenons la même route qu’hier, mais après l’aéroport, au lieu de poursuivre vers Puamau, nous tournons à gauche, vers le nord de l’île. La route descend dans la vallée à travers une forêt d’acacias, de flamboyants en fleurs, de manguiers sauvages et de bananiers . Nous évitons Chevaux et vaches en semi liberté qui trouvent leur nourriture en contrebas de la route . En bas de la vallée nous découvrons une immense cocoteraie, et les premières maisons toujours bien entretenues aux jardins bordées de haies fleuries. Nous longeons la rivière pour atteindre le bord de mer.
Des barques de pêcheurs sont hissées sur la grèves. La brise est légère et les marquisiens viennent prendre le frais au bord de la plage à l’ombre des manguiers et des filaos . Deux femmes assises au bord de l’eau surveillent la baie à la jumelle. Je leur demande si elles attendent la venue d’un bateau. Non répondent elles. On surveille nos maris. D’abord tentés de plaisanter sur le sujet, nous comprenons que leurs maris sont partis à la recherche de leurs chevaux sur les contreforts de la pointe Tahataha.
Quand on voit l’à-pic de cette côte on comprend leur inquiétude et nous comprendrons mieux encore après notre ballade du jour . Nous cherchons la promenade qui mène à la baie d’Hanatekuna par un sentier côtier magnifique et vertigineux. Un peu trop vertigineux pour nous . Après un pique-nique au bord de l’eau, nous quittons Hanaïapa, avec regret tant cet endroit est beau et paisible. Ici les marquisiens vivent en harmonie avec un cadre naturel magnifique que rien, pas même l’habitat ne vient détériorer.
Village d'Hanaïapa